Une cinquantaine de personnes et de responsables d’organisation ont signé une pétition dans la matinée du mercredi 26 février 2020 en vue de décréter le 13 février, date charnière de l’incendie à l’orphelinat de Fermante, journée nationale des orphelins. À l’initiative de l’Observatoire de la jeunesse haïtienne, gerbes de fleurs, cartes, témoignages et bougies allumées ont salué la mémoire des quinze enfants qui ont péri dans cet incendie.
Après un carnaval national annulé pour les raisons que l’on sait, les rues de Port-au-Prince sont orphelines et quelque peu vacantes. Pour un mercredi des Cendres, les bureaux des institutions de l’État haïtien n’ont pas encore repris service. Cependant, des initiatives citoyennes n’ont pas tardé à jeter les bases d’une journée commémorative pour rappeler à l’État et notamment à l’Institut de bien-être social et de recherches (IBERS) leurs responsabilités dans de l’incendie à l’ophelinat à Fermathe qui a fait 20 morts.
« An nou siyen petisyon pou declare 13 fevriye jounen nasyonal timoun òfelen yo; an nou ofri timoun yo yon nouvo solèy, yon nouvo lakansyèl; Jistis pou timoun yo; An nou pa danse sou timoun yo, an nou salye memwa yo » sont toutes des affiches placardées devant les murs logeant le bâtiment de l’Institut de bien-être social et de Recherches qui ont ravivé des souvenirs douloureux et des pleurs de quelques participants, entres autres.
Non loin d’un jeune homme décontenancé, Rose Myrtha Lexima, une jeune femme de trente ans, présente avec une histoire touchante liée aux sévices psychologiques ce à quoi un enfant orphelin et placé dans un orphelinat doit faire face tous les jours en Haïti, même si celui-ci arrive à s’en sortir en devenant adulte. Exemple parfait pour illustrer ses dires, madame Lexima confie qu’elle-même a été placée dans un orphelinat à l’âge de trois ans. « Je n’ai aucun souvenir de mes parents. À trois ans, j’ai été placée dans un orphelinat à l”Arcahaie. » C
La jeune femme en pleurs avoue qu’elle comprend très bien comment est le milieu des orphelins et les défis quotidiens qu’ils doivent affronter en Haïti. « Je me vois et me sens proche de cette tragédie survenue le 3 février dernier où quinze enfants ont perdu la vie, dit-elle. Cette histoire, c’est ma vie parce que j’ai grandi dans un orphelinat. Il y avait des centaines d’enfants et quand j’y pense vraiment, je me dis que je pouvais laisser ma peau dans les mêmes circonstances. Je n’ai pas arrêté de pleurer depuis que j’ai appris la nouvelle et voilà pourquoi je suis venue déposer mes mots et des fleurs pour ces petits orphelins. La mort de ces enfants me touche profondément », ajoute-t-elle.
Sur cette même voie, la comédienne Magalie Comeau Denis a salué la mémoire des orphelins et ovationné les jeunes qui ont pris cette résolution tout en remarquant le peu de personnes présentes. « J’aurais souhaité qu’une telle activité ait provoqué et suscité l’indignation de tous en les ramenant ici pour ces pauvres et malheureux enfants, a-t-elle indiqué. Nous savons qu’au sein de la population, la tristesse et l’indignation sont profondes, mais c’est important d’exprimer ce qui nous offense et obliger certaines personnes à prendre leurs responsabilités. »
Évoquant également des sanctions qui doivent être prises contre les autorités concernées, madame Comeau Denis a arboré un sinistre état des lieux : « En regardant les photos de cet orphelinat, il faut se dire que ce n’est pas normal. Les chambres sont pires que des cellules de prison et personne n’ose imaginer la douleur d’un enfant qui meurt calciné… Ce fâcheux événement s’est produit et aucune des autorités se jugeant incapable d’assumer ses responsabilités n’a démissionné, car les enfants ne sont pas sur la liste des priorités de ce gouvernement. »
Touchée par cette activité, Rose Myrtha Lexima invite les responsables à mettre en place des structures pouvant faciliter des échanges avec les orphelins. Des structures qui doivent se construire dans le respect et la dignité des centres d’accueil pour les enfants orphelins. Aussi la jeune femme qui aborde la notion de résilience invite-t-elle ceux et celles qui ont connu une petite enfance dans des conditions pareilles à venir œuvrer dans cette perspective, car, pour elle, « une personne qui a vécu dans un orphelinat connaît la douleur des enfants qui vivent une situation pareille. Un enfant délaissé à lui seul, qui n’a pas de parents, pas d’encadrement ni d’encouragement, perd de son estime tous les jours».
Les orphelins sont quasiment des êtres invisibles dans la société. Et quand on sait qu’« on ne cesse jamais d’être orphelin » même en devenant adulte, il faut toujours questionner une société qui crache sur ces enfants et surtout sur les plus vulnérables.