Vous tuez le présent et l’avenir de la jeunesse, M. le Premier Ministre, crie l’Observatoire de la Jeunesse Haïtienne
Port-au-Prince, le 6 Octobre 2022
Lettre ouverte
À : M. Ariel HENRY
Premier Ministre de la République d’Haïti
M. le Premier Ministre, vous tuez le présent et l’avenir de la jeunesse haïtienne, cessez !
M. le Premier Ministre,
L’Observatoire de la Jeunesse Haïtienne qui est une structure de la société civile travaillant, entre autres, dans le domaine du leadership politique et de la réduction de la violence communautaire, vous présente ses salutations à un moment où notre chère Haïti connait des heures de plus en plus sombres. Depuis déjà un mois, une paralysie totale des activités à travers les 10 départements est observée, de ce fait l’institution tient à partager avec vous ses vives préoccupations et vous invite à écouter la voix des jeunes dans leur diversité partout à travers le pays pour le retrait de la décision ajustant le coût des produits pétroliers à la hausse.
M. le Premier Ministre,
Depuis l’annonce du retrait de la « subvention » des produits pétroliers, une situation explosive, communément appelé pays lock, a emparé comme un brasier l’ensemble du territoire national. Selon le constat de l’Observatoire de la Jeunesse Haïtienne, des manifestations traînant des milliers de protestataires, des barricades de tout genre sont érigés, des scènes de pillages systématiques affectent des grandes et petites entreprises, plusieurs dizaines de morts et des blessés ont déjà été recensés, la réouverture de l’année scolaire et de l’année judiciaire a été hypothéquée sans oublier qu’un pan du territoire échappe au contrôle de l’Etat. Entre autres, ce qui démontre l’incapacité du gouvernement que vous menez à faire face à cette crise.
Face à cette situation, il est également nécessaire de vous rappeler que depuis votre accession à la Primature soit le 20 juillet 2021, déjà 15 mois, les principaux indicateurs macro-économiques et de développement humain ont atteints des niveaux alarmants. De 93.81gdes, le 20 juillet 2021 lors de votre accession à la Primature, à 118.19 gdes le 5Octobre 2022, la dévaluation de la gourdes n’a pu être stoppée, parallèlement l’indice des prix à la consommation est passé à 227.5 en juillet 2022, contre 174.3 en juillet 2021. De plus, l’inflation qui était lors de votre prise de fonction en juillet 2021 à 12,2% est passée sous votre gouvernance à 30,5% en juillet 2022. Sans oublier l’intensification des migrations clandestines et la multiplication des groupes armés.
Ces données M. le Premier Ministre, témoignent clairement du niveau d’appauvrissement des couches les plus faibles durant vos 15 mois de gouvernance. Ces dernières sont celles qui encaissent les plus importants chocs en temps de crises pourtant elles ne bénéficient jamais réparations encore moins de dédommagements significatifs en cas de pertes du peu qu’elles possèdent.
M. le Premier Ministre,
Le 10 décembre 2021, votre gouvernement a ajusté à la hausse le prix du diesel a augmenté de 109% et le Kérosène de 115% tout en rassurant que le coût de transport n’allait pas augmenter mais comment est-ce pensable ? Le transport, ne dépend-il pas du carburant ? Le coût du carburant n’influence-t-il pas automatiquement le coût du transport ? Cependant, ce fut le contraire car cela a occasionnée dans certains cas une augmentation allant de 25% à 100%. Ce qui diminua encore plus la valeur réelle des revenus de la population. Si aujourd’hui cette nouvelle hausse de 120% persiste, elle aura pour conséquences directes de doubler la population en situation d’insécurité alimentaire et d’aggraver la crise humanitaire ? C’est en réponse à ces préoccupations que la jeunesse anticipe à travers les rues et crient leur désespoir, leur mécontentement et leur désir de vivre mieux.
Pour rappel, plusieurs promesses de programmes sociaux et de « subventions » ciblées du secteur du transport en commun ont été faites et selon vos propos tenus en décembre 2021 :
Avec les 30 milliards de gourdes de subvention du carburant pour une partie de la population, nous pourrons offrir plus de services, déployer plus de policiers nationaux dans les rues pour assurer la sécurité et leur donner plus de blindés »,
Environ 10 mois plus tard, aucun progrès majeur n’a été remarqué en ce sens.
M. le Premier Ministre,
Il faut rompre avec la gouvernance de facilité et d’exploitation des plus démunis qui caractérise la plupart des hommes et femmes d’Etat Haïtiens.nes. Si l’Etat compte combler son déficit budgétaire, l’une des rares « subventions » ayant un impact sur toutes les familles indistinctement ne devrait en aucun cas faire les frais. Au contraire, les pertes occasionnées par la contrebande, la gabegie administrative, les franchises douanières excessives, les malversations au sein des organismes autonomes, la corruption généralisée et le train de vie excessif des officiels et des grands commis de l’Etat, aideraient davantage à combler le déficit budgétaire tout en favorisant le climat d’apaisement que vous chérissez tant.
Qui plus est, M. le Premier Ministre, comment espérer que cet ajustement à la hausse ait des résultats efficients, sans une réforme institutionnelle en profondeur pouvant contrer la dynamique persistante de captation des fonds de l’Etat par une minorité qui s’enrichit au détriment de la majorité. Encore moins, des programmes de subventions alors que les données de votre administration ne sont ni actualisées ni fiables.
M. le Premier Ministre,
S’il est vrai que les fonds que gagnerait l’Etat à partir du retrait des « subventions » seront redistribués à la population sous forme de programmes sociaux, autant maintenir la subvention. Car, celle-ci a l’avantage de garantir un nombre plus important de bénéficiaires directs, ne serait-ce qu’à travers le transport en commun. De plus, elle épargnera l’Etat de la paperasserie et des procédures administratives qui consommeront une part importante de ces fonds.
Malheureusement, face à ce soulèvement qui se dégénère, l’Etat risque de perdre davantage que les dizaines de milliards de gourdes qu’il espère sauver (sic). Car cette situation engendra sur la durée, sur le plan économique, au cas où rien n’est fait immédiatement, des milliers de pertes d’emplois, la fermeture de dizaines de petites et moyennes entreprises, la chute ininterrompue du PIB, la dévaluation continue de la gourde, la hausse effrénée de l’inflation, un déficit budgétaire exorbitant, l’éloignement d’éventuels investisseurs étrangers, la diminution des revenus de l’Etat. Et sur le plan social, le déclin de la qualité de l’éducation de nos enfants, la perte de confiance de l’haïtien en son potentiel, le déchirement du tissu social davantage, la mort de dizaines de compatriotes à cause du dysfonctionnement des hôpitaux entre autres.
M. le Chef du gouvernement,
Vos trois interventions, la première qualifiant de désordre les mobilisations à travers les rues, la deuxième taxant les manifestants, en majeure partie de jeunes, de bandits auteurs des troubles et la troisième comme un appel aux secours en signe de détresse, ajoutées à celles tenues par le Ministre des Affaires Étrangères, M. Jean Victor Généus, au Conseil de Sécurité de l’ONU arguant que globalement « la situation est globalement sous contrôle (sic) » sontinquiétantes. Car elles présentent une lecture erronée de la situation à un moment où la plupart des grandes artères sont difficilement accessibles, la rentrée scolaire et judicaire est hypothéquée, l’un des plus grand terminal du pays est assiégé, la capitale est ceinturée par des groupes armés et les corps diplomatiques étrangers appellent à la restriction des voyages vers Haïti tout en s’assurant de réduire leur personnel ainsi que les services consulaires de base offerts. Ces propos, assimilables à un mépris pour plus d’un, ont eu pour conséquence l’intensification des mobilisations. Aussi, participent-ils à attiser les conflits et à faire de vous un important irritant au sein des dialogues en cours.
M. le Chef du gouvernement,
Contrairement à votre appréciation de la situation, les mouvements de protestations sont l’expression du cri d’une jeunesse au chômage, désemparée, désespérée avec le désir d’un mieux-être qui ne pourra pas supportée les coûts de la vie, qui plus est si elle laisse passer cette augmentation. Ce qui signera sa mort certaine. Ce qui n’exclut pas la possibilité que certains acteurs économiques et politiques pourraient saisir cette opportunité pour intensifier leurs luttes. Toutefois, il faut savoir séparer le bon grain de l’ivraie, gouverner avec honnêteté c’est aussi cela le travail.
Face à ce tableau macabre, en aucun cas la politique de la « corde raide » ou de l’ « adelante » encore moins de l’ « épuisement » ne saurait être profitable à cette jeunesse en agonie.
M. le Premier Ministre,
L’heure est de préférence à l’écoute et à la sagesse politique pour sauver le peu qui reste. Il importe de vous informer également que l’Observatoire de la Jeunesse Haïtienne supporte et encourage toutes formes de mobilisations et de plaidoyers menées par des jeunes, pour les jeunes et avec les jeunes, garanties par les lois, les principes démocratiques et les engagements en matière de droits humains visant à pousser votre gouvernement à rétracter sur la montée de l’essence et à rétablir un climat de paix et de sécurité à travers le pays.
Tout en vous invitant à annuler cette décision inopportune d’augmenter les prix du carburant recevez, M. le Premier Ministre les salutations patriotiques
Rien pour les jeunes sans les jeunes…
Pour l’Observatoire de la Jeunesse Haïtienne
Cliffton SYLVAIN (Secrétaire à la Communication ) Stanley E. AUGUSTIN (Secrétaire Général)